Fabrication d'une huche - la menuiserie pour les nuls

Je vous propose ici de découvrir les infos qui pourront vous servir afin de réaliser votre huche, le coffre sur pieds qui a cours pendant plusieurs siècles puisque de la période romane au XVIème siècle, sa forme évolue mais il est là et bien là.

Oui, les meubles, pièces d'antiquités par excellence selon moi, se sont conservés pour notre plus grande chance.

1°) Un excellent livre: "Le Travail du Bois" - éditions Gründ - ISBN 2-7000-2098-7
Ce bouquin est très pédagogique et particulièrement intéressant avec de nombreuses photos. Il propose de découvrir les bois utilisés couramment en ébénisterie/menuiserie, les critères techniques sont expliqués afin de savoir ce que vous devez commandé lorsque vous vous rendrez dans une scierie.
Ferrures & revêtements sont décrits ainsi que les différents outils nécessaires en fonction du travail que vous voulez réaliser.
Ensuite viennent les différents types d'assemblages possibles, tenons et mortaises sous toutes leur formes ^^
Puis, passage à la pratique: des exercices de tout type afin d'aboutir à la réalisation d'objets de plus en plus complexes... ils proposent même de faire un peu de marquèterie basique avec la réalisation d'un échiquier en bois! (Pas de sculpture par contre pour les pièces... c'est très difficile)

Bon, vous n'aurez pas besoin de tout ce qui est expliqué pour aboutir à la fabrication de votre huche mais vous n'aurez plus d'excuses non plus pour ne pas avoir du beau mobilier sur votre camp!

2°)Guide pour les Nuls: je n'ai aucune formation dans le métier du bois, ça ne s'improvise pas mais un bon bricoleur soigneux et pas tout à fait con doit pouvoir y arriver.

/!\ Avant de poursuivre, je vous signale que pour faire du bon boulot, il faut un espace de travail consacré au projet envisagé: un atelier est l'idéal mais si vous avez déjà une grande table (sur tréteaux par exemple pour être facilement rangée), c'est déjà pas mal.
Pensez qu'il faut une bonne aération de l'endroit où vous travaillez car la poussière de bois est TRES volatile et lorsque l'air en est saturé, il peut y avoir un phénomène dangereux mais heureusement très rare: toute cette poussière peut s'enflammer!!! Oui oui, je ne plaisante pas donc NE PAS FUMER ou allumer toute flamme dans la pièce. Bon c'est assez extrême mais au moins vous le savez!

Autre recommandation: pour travailler le bois, il faut un outillage conséquent, songez bien au budget que vous consacrez pour l'achat du matériel si vous ne le possédez pas encore et voyez si vous n'avez pas des amis qui peuvent vous aider en vous prêtant du matos (et faites la liste pour pas leur en chiper!).

Donc si vous faites l'achat du matos pour faire une seule huche et puis plus rien par la suite, oubliez, c'est pas la peine! Par contre si vous avez déjà un peu de matériel, ça vaut peut-être la peine d'acheter le bois et les quelques outils manquants.

Si vous ne possédez ni raboteuse ni varlopes, demandez au fournisseur que le bois soit déjà raboté DROIT, vous n'aurez plus qu'à le poncer.

Dernière chose: le bois coûte cher, n'hésitez pas à fouiller dans les pages d'Or: http://www.pagesjaunes.fr/ ou http://www.pagesdor.be pour trouver les différents fournisseurs dans votre région...

EDIT: pour du beau travail fait par des pros: http://www.tancoigne-ebeniste.com/

3°)Les sources:
Mon incontournable: "Le Quotidien au Temps des Fabliaux" de Danièle-Alexandre Bidon et Marie-Thérèse Lorcin aux éditions Picards.
Page 154-155:

Citation :

Partout, le coffre joue un rôle principal: c'est souvent le seul meuble de rangement, raison pour laquelle il est si bien mis en valeur par les fabliaux. Toujours disposé au pied du lit, il en existait de plusieurs essences (hêtre, sapin, plus rarement autres bois tendres, les moins coûteux étant les plus courants, selon les inventaires après décès bourguinons) et de plusieurs formes: à couvercle plat ou bombé; de plusieurs couleurs car on le peignait volontiers, et ferré. Ses ferrures, ornementales, lui confèrent sa solidité, accrue par une serrure: c'est là que sont serrés les biens les plus précieux. D'autres coffrent contiennent la vaisselle de luxe, les pots d'étain pour les bourgeois, l'orfèvrerie chez les puissants. D'autres, enfin, sont dévolus à la conservation des grains. Si le couvercle est plat, il peu servir de table d'appoint ou de siège. C'est essentiellement l'iconographie qui permet de visualiser les différents types de coffres et leur aménagement intérieur (tablettes, crémaillère) car, surtout en France, les bois qui les composent ne se conservent guère. On trouve au mieux leur empreinte dans la terre, ainsi à Saint-Denis, ou quelques planches chevillées, comme à Charavines. Exceptionnellement, des coffres sortent de terre: l'un, trapu, retrouvé dans une maison rurale de Montbouchet, dans la Drôme, empli de grains, les autres, tout en longueur, dévolus à l'inhumation, remplaçant le cercueil comme à Cluny. Les statuts de métiers parisiens prévoient d'ailleurs ce cas de figure et interdisent la location de coffres à l'usage du transport des morts... Où l'ont voit que les fabliaux s'inspirent ici de la réalité. En général, cependant, les plus grands (près de 2 m de long, parfois doubles - cf. Musée national du Moyen-Age: http://www.musee-moyenage.fr) conviennent à des usages communautaires: le rangement du linge des malades des hôpitaux par exemple. La plupart du temps, ils sont surélevés sur leurs qautres pieds afin d'éviter l'humidité du sol.

Vous trouverez d'autres infos sur le mobilier dans l'ouvrage Le meuble - Antiquité - Moyen Age - Renaissance qui est disponible sur le site de la Virtuathèque, c'est l'avant dernier de la liste ici. Pages 58 et suivantes.

Quelques pièces d'époques différentes, du XIIème à la fin XVème:

XIIème - un extrait de l'article paru dans le magazine Moyen Age n°17 de juillet/août 2000




XIIIème siècle


fin XVème siècle



Coffre en chêne bardé de pentures terminées en rosaces - serrure à moraillon et ayant conservé son empiètement (contrairement au précédent):
Hauteur 99 cm
Largeur 178 cm
Profondeur 66 cm
Origine: Westphalie vers 1500


Hauteur 69 cm
Largeur 170 cm
Profondeur 65 cm
Origine: Westphalie vers 1500

Une tite icono disponible ici: http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/7/77/Antonello_da_Messina_012.jpg
Saint-Jérôme en son étude par Antonello de Messine (vers 1470)

EDIT: Icono XIVème

Record Number: c7290-03
Shelfmark: Royal 20 C. VII
Page Folio Number: f.41v
Descrïption: (Miniature) Rioting soldiers pillage a house in Paris.
Title of Work: Chroniques de France ou de St. Denis
Author: -
Illustrator: -
Production: End of 14th century
Language/scrïpt: French / -

EDIT-bis:
Petit extrait d'icono retrouvée dans un bouquin appelé "L'art de la guerre au Moyen Age" par Renaud Beffeyte aux éditions Ouest-France (ISBN: 2-7373-3744-5) à la page 22:

La cote qui est donnée dans le bouquin est la suivante: BnF Ms français 4274 folio 6 mais je n'en ai pas trouver de trace sur le site Mandragore, la base de données en ligne de la BnF.

4°)Réalisation du coffre sur pied:
Comme vous pouvez le voir, les formes et la complexité des coffres varient beaucoup et c'est pas parce qu'un coffre est plus ancien qu'il est plus sobre ou moins ferré!
Les pièces illustrées ici sont, pour la plupart, des pièces assez "exceptionnelles"... en chêne le plus souvent qui est un bois quasi "immortel" lol, il durcit en vieillissant!

Mais nous savons que que ce n'est pas le seul bois qui était utilisé à l'époque, optez donc pour une essence plus tendre, moins coûteuse et endémique à la région dont votre personnage est issu!
Moins de ferrures également car le fer coûter cher à l'époque et tentez de lui donner un aspect inhérent à la période voulue.

Bien sûr, si vous êtes doués et riches, rien ne vous empêche de faire une réplique en chêne avec des ferrures ouvragées, des pièces de métal ou de bois ajourées, une finition des pentures en forme de lys ou de rosace finement travaillée, vous pouvez également le peindre car des traces de peintures ont été retrouvées sur certains coffres, il peut-être compartimenté à l'intérieur, voir même capitonné par de riches étoffes,...

En résumé, dites-vous bien que beaucoup de choses sont envisageables mais qu'il faut rester cohérent par rapport à l'utilité du meuble et au statut de son propriétaire en fonction de sa provenance temporelle et géographique!

Voici donc le principe sur lequel je base la version que j'ai décidé de réaliser (ma démarche): c'est un coffre de voyage pour un homme d'arme qui peut se payer au moins une mule ou un attelage pour pouvoir le transporter. Son coffre est le seul mobilier qu'il possède lorsqu'il se déplace (ainsi qu'éventuellement sa tente).
Elle est plus large que profonde et est à hauteur pour servir de banc pour deux à trois personnes.
Le coffre ainsi réalisé sera donc bien ferré, traité mais non peint.
Dimensions envisagées:
H.tot: 62 cm
H.des pieds: 12 cm
Largeur: 110 cm (parce que ça rentre dans la remorque ou dans la bagnole)
Profondeur: 55 cm (pareil)

Ce qui est beaucoup plus petit que les 3 coffres datés de la fin du XVème vu plus haut mais qui semble correspondre aux proportions des huches observées sur l'icono où on les embarque à bord du navire, permettant ainsi de les déplacer sans trop de problème tout en ayant un max de volume possible.

Toujours de façon empirique, je me base sur les "flight-cases" modernes (boîtes de transport de matériel de concert) pour me dire que plus il y a de ferrure, moins il est nécessaire d'avoir des planches de bois épaisses.
En effet, mieux vaut ne pas alourdir inutilement la huche si elle doit être transportée.
Pour la petite histoire, j'ai construit il y a quelques années une caisse en triplex marin de 1,8mm d'épaisseur (*mode immortel*), une fois remplie avec ma collection de disque-vinyls, elle est presque plus sortie de chez moi parce que trop lourde :-/

En fait ça va aussi dépendre de l'essence de bois que vous employez. Ici je vais prendre... ce que j'ai, hum et j'ai pas encore fait l'inventaire mais comptez qu'il faut des panneaux entre 1 cm et 1,6 cm au grand maximum (en fait, 1.2 ou 1.4 devraient être l'idéal).

Les pentures métallique se termineront en fleur de lys parce que c'est joli et que ça fait comme l'armoire d'Obazine datée du XIIème siècle où on voit d'ailleurs que le bois était ouvragé pour que le métal y soit encastré.

(magazine Moyen Age n°5 de juillet/août 1998)

Reste la serrure puisque j'ai pas envie qu'on me vole mon matos en presta. Là par contre, c'est plus délicat, je n'ai pas beaucoup d'infos à ma disposition hormis sur la forme des clés, je vais donc devoir poursuivre mes recherches à ce niveau-là...

Voilà pour les données pratiques. La suite: schémas & plans. *soon*